Le projet 4:50, aussi nommé The Grafton Street Project est une série de 50 portraits de rue (c’était l’objectif fixé mais je crois que je l’ai dépassé) effectués sur la rue piétonne et commerciale de Grafton St à Dublin sur 4 jours avec mon ami photographe Miguel.

Au milieu d’une rue bondée de piétons chargés d’emplettes, en plein samedi, une bâche vinyle accrochée sur la vitrine d’une enseigne internationale qui a fermé ses portes il y a des mois, une petite pancarte, et nous 2, armés de nos Bronica 645 - chambre argentique moyen format - à l’affût de ce que chacun de nous juge comme un bon sujet pour un portrait, et déjà un sujet succeptible à accepter de se faire photographié par un.e inconnu.e sans en voir le résultat avant l’exposition.

4:50 est une expérience résolument humaine, de reconnexion humaine. Dans une rue commerçante d’une capitale, il est facile de perdre le contact avec l’autre, de penser que personne autour n’a conscience de nous, et peut être même que beaucoup ne sont pas en conscience du tout. Acheter, régler les choses qu’il y a à régler, aller là, puis ici, une rue commerçante n’est pas un lieu où on s’arrête pour partir à la rencontre d’un inconnu. Depuis ma petite marche portative, j’observe cette foule, cette masse chaotique bien orchestrée pourtant, et je fais l’expérience de tout cela, de la déconnexion, pour ensuite voir l’individualité, les singularités dans les traits, les regards, les trajectoires. Je ne sais pas pour voir mais moi, je pourrais passer des jours à observer la valse humaine et me faire des films sur les gens. J’approche des personnes différentes de Miguel et ça, c’est une surprise : nos critères sont différents et c’est en ça que la proposition d’un duo de photographes pour 2 regards est intéressante.

Moi qui habituellement adore l’excentricité, je vais à la rencontre de personnes qui ne se démarquent que de manière imperceptible de la masse, juste un détail, quelque chose qui gratte et qui marque. Aah et ce n’est pas tout de “choisir” et convaincre une personne, il y a ensuite sa “performance” de modèle. J’ai laissé faire, même ceux qui débordait de mon cadrage, car justement le projet est une tribune de notre singularité propre dans cette masse impersonnelle. Et en manière de performance, j’ai été ravie d’avoir créé les conditions propices pour recevoir ce qu’ils ont proposé à la pellicule : un brin de folie, de l’amusement, une légèreté …

Chacun a eu 2 ou 3 expositions de pellicule et une invitation à l’exposition au Backloft de La Cathedral Studio pour voir le rendu… autant gérer un projet photographique en argentique est un casse tête pour trouver le bon développeur, pour ne pas endommager soi même (et son entourage félin !) les négatifs et scanner qualitativement le tout, autant c’est un réel atout que de ne pas donner le pouvoir du droit de regard immédiat sur son propre portrait aux volontaires et leur offrir la surprise de se voir sous un autre jour en grand sur un mur blanc !

J’y ai trouvé des amis à vie, des couples à photographier le jour de leur mariage, plein d’anecdotes, des collaborations … merci infiniment Dublin pour abriter une telle richesse de personnes qui garde ce brin de folie en eux.